La section de cette semaine, outre
le recensement, le shabbat et les tables de la loi traite du veau d’or. La
question que se posent de nombreux commentateurs sur cet épisode est de savoir
si c’est un péché d’idolâtrie ou pas.
Lisons le texte
Chap. 32, V. 1 : « Le
peuple vit que Moïse avait tardé à descendre de la montagne, et le peuple
s’attroupa autour d’Aaron ; ils lui dirent : « Lève-toi,
fais-nous des dieux qui marcheront devant nous, car cet homme Moïse qui nous a
fait monter du pays d’Égypte, nous ne savons pas ce qu’il est advenu de lui !
«
Le Rav Feinstein écrit que « si
la faute du veau d’or s’apparentait à un culte idolâtre de masse, comme paraît
indiquer un rapide survol des versets, tout l’épisode serait incompréhensible. »
Nous savons que la Torah exige de
renoncer à la vie plutôt que de servir des idoles. Ainsi comment comprendre que
Aaron, le Cohen Gadol, ait pu aider à construire le veau d’or ? Comment se
fait-il que par la suite Aaron continue à remplir ses fonctions au Tabernacle ?
Nous savons que la seule faute que lui reproche la Torah, c’est de s’être joint
à Moïse quand il a frappé le rocher au lieu de lui parler.
Le veau d'or n'était que le substitut de Moïse
Le peuple est-il coupable
d’idolâtrie ?
Le Rav Feinstein nous enseigne
que « le
peuple non plus, n’a pas renié Dieu. Les enfants d’Israël disent explicitement
avoir besoin d’un substitut de Moïse, non d’un dieu. » Il conclut
sa théorie en nous expliquant que les enfants d’Israël, « s’ils avaient réellement
cru que le veau d’or était une sorte de dieu, ils n’auraient pas été accablés
au retour de Moïse et ne lui auraient pas permis de détruire leur nouvelle
idole. »
Nous comprenons donc que pour le
peuple d’Israël le veau d’or n’était que le substitut de leur guide disparu.
Sforno nous apprend que le peuple
d’Israël n’était pas coupable mais responsable d’un bouleversement du peuple
juif.
« Selon le plan initial de
Dieu, il n’y avait aucune nécessité d’ériger un Tabernacle et chaque membre du
peuple d’Israël pouvait avoir le statut d’un Cohen, être digne de posséder son
propre autel et d’établir une résidence pour la présence divine. Pourquoi ce
projet n’a-t-il pas abouti ? Pourquoi le projet de Dieu, passé sous silence,
a-t-il été remplacé par l’énoncé, dans les chapitres précédents, des lois
relatives à un Tabernacle central et à l’intronisation d’une famille de prêtres
? La Torah explique à présent qu’Israël a été destitué de sa gloire à cause du
veau d’or : ils ne pouvaient désormais être une nation de Cohanim avec des
tabernacles individuels mais avaient besoin d’un Tabernacle central et d’une
famille de prêtres se dévouant au service de Dieu. »
L’épisode du veau d’or nous amène
à nous demander comment un peuple a pu abandonner si rapidement des sommets de
sainteté auxquels il était parvenu lors de la révélation et demander à Aaron de
lui faire « un dieu qui marche devant nous ». Juda Halévy tente une
explication :
Toutes les nations de
l’Antiquité se livrèrent au culte des images. Les philosophes avaient démontré
l’unité de l’être divin, ils conservaient néanmoins leurs représentations
figuratives et enseignaient au peuple qu’elles contenaient quelque chose de
divin et qu’elles se distinguaient ainsi des autres images. Or, les juifs
attendaient que Moïse leur rapporta quelque chose de visible de la part de
l’Eternel, à quoi ils pourraient s’adresser comme cela avait été le cas des
colonnes de nuées et de feu lors de la sortie d’Égypte… Ils attendirent ainsi
le retour de Moïse. Celui-ci s’était absenté depuis quarante jours, il n’avait
emporté aucune nourriture et il les avait quittés comme quelqu’un qui entend
revenir le jour même… C’est alors que certains trouvèrent souhaitable de
chercher un objet concret d’adoration, à qui l’on pouvait s’adresser, comme le
faisaient les autres nations, sans pour autant renier Dieu…. Il ne s’agissait
pas du péché d’idolâtrie, mais de celui, évoqué dans le Décalogue, du culte du
vrai Dieu sous la forme d’une image. »
Juda Halévy conclut en tempérant
sur la gravité de la faute :
« Ceci nous paraît aujourd’hui d’une gravité exceptionnelle, mais ce ne l’était pas à l’époque où
tous les peuples se livraient au culte des images. On ne trouvait même rien
d’étonnant aux images ordonnées par Dieu lui-même, à savoir les
chérubins. »
Nos gouvernants doivent lutter de toutes leurs forces contre les fabricants de "veaux d'or"
Nous avons vu la semaine dernière
que Moïse était plus un leader politique qu’un chef religieux.
L’épisode que nous venons
d’étudier nous enseigne que si le politique disparaît, le peuple cherche un
nouveau maître à penser. Quoi de plus facile alors pour certains de se servir
de la religion pour se créer un statut de leader.
Les « veaux d’or »
existent encore au XXIème siècle : ce sont toutes les idéologies religieuses
qui font croire qu’elles sont supérieures aux autres et qu’au nom de cette
supériorité, elles ont droit de vie ou de mort sur les peuples. Ceux qui
adhèrent à ces nouveaux « veaux d’or » sont, comme nous l’observons
beaucoup, des personnes sans repères, sans idéaux et qui pour la plupart
recherchent une certaine autorité.
Nos gouvernants doivent lutter de
toutes leurs forces contre les fabricants de « veaux d’or ». Pour les
aider, les dignitaires religieux doivent expliquer que toute forme d’extrémisme
est contraire à la religion. Les dignitaires communautaires doivent expulser de
leurs instances tous ceux qui se rapprochent des « veaux d’or » et
surtout avoir le courage de les dénoncer.
Eric Gozlan
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